Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/188

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A toi le monde ! A toi la cime et la vallée !
Ton rêve est accompli si ton rêve était grand.
Moi, tel qu’un serviteur, dans l’ombre inconsolée
Je rentre ; et toi, Jésus, triomphe en m’adorant. —

Et Jésus répondit : — O tentateur infâme,
O mensonge éternel, va-t’en ! Il est écrit :
Tu ne tenteras point ton Seigneur, et ton âme
Ne servira qu’un Dieu, dans la chair et l’esprit.

Que font au voyageur qui s’avance et qui passe
Les noms des vains pays qu’il foule en se hâtant,
Lorsque au bout du chemin rayonnent dans l’espace
L’immuable patrie et le temple constant ?

Confiant, l’œil fixé sur le ciel de mon Père,
J’ai noué ma sandale et, sachant où je vais,
Au désert idéal j’ai fui le noir repaire
Du monde, empoisonné par le souffle mauvais.

Qu’importe un vil amas de royales poussières
A Celui qui fut tout quand n’étaient point les Temps ?
J’ai vu naître et mourir plus de cités grossières
Que n’ont de gouttes d’eau la mer et les étangs.

La terre inférieure ignore mon royaume ;
La pourpre n’orne point le lin de mes habits ;
Mais, né dans l’abandon, sous l’étable de chaume,
Je suis le bon Pasteur qui cherche ses brebis.