Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/223

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ne,
Le Livre inviolé dont nul n’est jugé digne
De soulever le voile et de rompre les sceaux.
Et, voyant, je pleurais ; et les pleurs en ruisseaux,
Inondant mon visage, aveuglaient mes yeux mornes,
Lorsque soudain, le front hérissé de sept cornes,
Le côté rouge encor d’un sang immaculé,
Parut l’Agneau divin, pâle, et comme immolé.
Et les vieillards chantaient en écartant leurs groupes,
Et volant par milliers, porteurs de larges coupes
Qu’embaumait le parfum de l’oraison des Saints,
Des Anges l’entouraient de glorieux essaims.
Et, telle au fond du ciel s’enfle et court la rafale,
Une clameur roulait, nouvelle et triomphale :
— Béni l’Agneau sanglant ! Béni, béni, béni
L’Agneau réparateur pour nos péchés puni,
Qui, du calice humain épuisant l’acre écume,
D’une mort passagère a goûté l’amertume,
Et fit s’épanouir et fleurir en tout lieu
L’arbre sacerdotal de ton royaume, ô Dieu !
Gloire à Celui qui trône et tient fermé le Livre !
Gloire, adoration à l’Agneau qui délivre
Le. tourbillon vengeur des fléaux prisonniers !
Puissance et gloire à Lui jusqu’aux siècles derniers ! —

Et le céleste chant mourait dans l’ombre sainte,
Et des sceaux arrachés pendait l’obscure empreinte,
Quand je vis dans le ciel bondir un cheval blanc.
Un guerrier couronné chargeait son dos brûlant,
Et brandissant un arc, vers tous les territoires