Hadassa l’accompagne, et guidant par la main
Le Rabbi vénéré loin du rempart romain,
De la douce Iabné tente la route obscure.
Ils vont. Mais tout à coup le grand vieillard adjure
La solitude et l’ombre et le désert glacé :
— Collines, bourgs fumants, plaines où m’ont chassé
La droite du Seigneur et l’Ange du carnage,
Tours de Jérusalem, murs, rendez témoignage !
Si mes yeux, désormais morts à toute clarté,
Ne cherchent plus Ziôn sur le mont dévasté,
Si je fuis sans rien voir, je puis du moins entendre
Le sourd étouffement de mes pas dans la cendre ;
Et mes mains au hasard sur un bloc renversé
Reconnaissent encore où la flamme a passé.
A la terreur des jours je n’ai clos mes prunelles
Que pour y mieux garder vos ombres éternelles,
O ruines ! ô Temple ! ô combats des Héros !
Et toi, ma fille, proie échappée aux bourreaux,
Fuis ! Aux ravins d’Edom cherchant un sûr repaire,
Dans la mort et l’oubli laisse dormir ton père.
Laisse-le, puisque tout, hélas ! est consommé,
Le Temple étant détruit et le Livre fermé,
Nourrir dans le Scheöl la vanité d’un songe,
Où la Thora fleurisse et ne soit point mensonge ;
Où l’Alliance antique et l’immortel Serment
Comme une arme au fourreau reposent sûrement,
Et ne ressemblent pas, ô Dieu de nos ancêtres !
Au glaive à deux tranchants brandi par des mains traîtres ! —
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