Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/247

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Et le Rabbi pleura. Mais d’une faible voix
Hadassa répondit : — Courbe la tête et crois,
O Père ! La douleur t’égare et le blasphème
Comme un âcre poison ronge ta lèvre blême.
Par les gorges, les pics, le sable ou le hallier,
Je conduirai tes pas vers le toit familier
Où ma mère inquiète, aux lueurs de la lampe,
Lavera le sang noir épaissi sur ta tempe
Et posera tes mains sur les fronts réunis
De tes fils à genoux et devant Dieu bénis.

— O fille de ma chair, silence ! O doux murmure
Frais comme un dernier chant d’oiseau dans la ramure,
Échos des clairs matins et des jours révolus,
Silence ! O vains espoirs ! ô chutes ! Rien n’est plus.

Mes fils, dormez ! Pleurez, mes filles ! Sage épouse,
Du nom de ton époux fidèlement jalouse,
Quel brasier dans la Ville a dévoré tes os ?
Tous sont morts par la flamme ou le fer. Quels ruisseaux,
Ma fille, ont débordé du sang de tes neuf frères ?
Seule, réfugiée aux caveaux funéraires,
Loin du Parvis croulant et du Temple assiégé,
Quel miracle divin naguère a protégé
Ta fuite souterraine à travers l’épouvante
Et, comme d’un tombeau d’où tu sortis vivante,
Te guida vers ton père errant parmi les morts ?