Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/248

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O toi qui ne vis rien, entends. C’était alors
Que les grands Élohim, autour de 1'Arche sainte,
L’aile ouverte, hurlaient : Abandonnons l’enceinte !
Des nuages cuivrés, roulant des horizons
En déluges de sang, crevaient sur les moissons,
Et le bitume épais, rouge, en nappes soudaines,
Sur les places des bourgs jaillissait des fontaines.
Fureur, acharnement, haine, soupçons vainqueurs,
Comme une ardente poix bouillonnaient dans les cœurs
Et plus horriblement crépitaient à mesure
Que du rempart béant s’accroissait la blessure.

J’ai vu rouler les dés pour que le sort marquât
L’exécrable héritier du Grand Pontificat,
Et que l’abjection fît sur le front d’un rustre
Pâlir les lames d’or de la tiare illustre.
J’ai vu de jour en jour les combattants romains,
Comblant les fossés creux avec des corps humains,
Sapant les murs, fouillant le sol, brisant les roches,
Bâtir leurs tours de bois et creuser leurs approches
Et, mêlant le blasphème aux chocs des lourds marteaux,
De vacillantes croix ombrager les coteaux.

Pour quel péché Juda, que ta haine extermine,
Seigneur, a-t-il connu l’angoisse et la famine ?
Quelle vengeance impie et savante accoupla
Au fils de Gioras l’homme de Giskhala,
Comme au lion cruel le tigre sanguinaire ?