Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/155

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es.

Seul, d’un pied lent et sûr, par la déclinaison
Des rocs, un homme allait, troublant la solitude
D’un murmure pesant de psaume ou d’oraison.

Car, chaque mois, selon la pieuse habitude,
Du lointain monastère il descendait ainsi,
Courbé sous la besace et le sac de peau rude ;

Et bien repu, joyeux, jeune et sans nul souci
Que de vivre, apportait à chaque solitaire
Le millet et le son, l’orge et le pain durci.

Le moine sur le seuil de la cellule austère
S’arrête. Un long frisson l’a secoué devant
Nymphodora si belle et gisant sur la terre.

N’est-ce pas le démon de son rêve vivant,
La femelle apparue en ses nuits de détresse,
Le fantôme d’amour qui fuit au jour levant ?

N’est-ce pas l’indulgente et bonne pécheresse,
L’esclave sans remords livrant sa nudité
A la silencieuse et brutale caresse ?

Nul témoin. Le désert farouche, épouvanté,
Gardera le secret du crime et du parjure.
Le vautour rôde seul et plane au ciel d’été.