Page:Guiard - Virgile et Victor Hugo, 1910.djvu/16

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frais sentiments de la poésie virgilienne, les plus douces sensations de la nature. Il grandit :

Contemplant les fruits d’or, l’eau limpide ou stagnante,
L’étoile épanouie et la fleur rayonnante,
Et les prés et le bois que son esprit, le soir.
Revoyait dans Virgile ainsi qu’en un miroir
[1].

Cette rencontre de Hugo avec Virgile, si prématurée futelle, n’était pas la première. À son entrée au Collège des Nobles de Madrid, il subit un examen ainsi que son frère Eugène. « Vu l’âge des deux frères, raconte le Témoin de sa vie, on leur présenta l’Epitome qu’ils traduisirent couramment. On passa au De Viris ; ils n’eurent pas besoin de dictionnaire, non plus que pour Justin, ni pour Quinte Curce... De difficulté en difficulté, on vint à Virgile, où ils furent plus attentifs et moins rapides ; ils se tirèrent encore de Lucrèce, quoique péniblement, et n’échouèrent qu’à Plaute. » Dom Bazile l’examinateur leur demande ce qu’ils expliquaient à huit ans. Victor Hugo lui répond Tacite[2]. C’était au printemps de 1811, il avait à peine neuf ans. Longtemps il garda son Tacite d’enfant et probablement son Virgile, un Virgile-Erhan qu’il emporta dans son voyage aux bords du Rhin. On a conservé d’ailleurs un témoignage de ses études virgiliennes de 1813 aux Feuillantines. C’est un thème latin sur Pyrrhus après lequel l’enfant écrit ce vers du VIe livre de l'Énéide :

Parcere subjectis et debellare superbos.

qu’il traduit en dessous par cet alexandrin :

Pardonner aux vaincus et vaincre les rebelles.

On en remarquera la forme antithétique : il l’accentue encore en la réalisant dans un dessin d’écolier qui montre, en deux scènes, d’un côté, les vaincus épargnés, avec les emblèmes de la paix et l’épigraphe Parcere subjectis, de l’autre,


  1. Les Rayons et les Ombres, XIX. Ce qui se passait aux Feuillantines vers 1813.
  2. Victor Hugo raconté (1802-1817), p. 119.