lui et de me laisser moi, qui suis l’aîné. Suivez-moi et je vous mènerai partout où vous voudrez.
Ces paroles mirent Guillaume en colère et il dit à Bernard :
— Par mon chef ! vous en avez menti. Fussiez-vous cent chevaliers, tous fils d’Aymeric, je serai partout votre chef : c’est moi qui vous guiderai et qui vous donnerai châteaux et villes et riches fiefs.
Cette réponse attira l’attention du messager sur Guillaume : il remarqua qu’il était grand et robuste, et il lui parut extrêmement fort, d’un caractère fier et peu endurable.
Il se dit à part lui :
— Si Dieu prête vie à ce jeune homme et qu’il soit armé chevalier, maint Turc et maint Esclavon mourront de sa main : il les chassera de leur pays et deviendra leur effroi.
Les choses en étaient là, quand la noble Hermengard intervint, et s’adressant à Aymeric, lui dit :
— Monseigneur, tous sept sont nos enfants, ne les laissez pas se disputer. Si l’Empereur vous mande auprès de lui, allez-y, je vous en prie et emportez avec vous tant d’or qu’à la cour on ne vous tienne pas pour un homme de rien.
Aymeric fut de l’avis de la comtesse. Il tira Guillaume de côté et lui dit :
— Mon fils, tel a été mon amour pour toi, que jamais tu n’as exprimé un désir le soir qu’il ne fût accompli le matin suivant. C’est maintenant à toi de faire ma volonté ; or, viens avec moi en France, pour entrer au service de l’empereur. C’est mon devoir d’obéir à ses ordres, puisque c’est de lui que je tiens mon fief : c’est lui qui me confia Narbonne.
— Vous ne m’avez jamais parlé de cela, reprit Guillaume. C’est donc votre volonté arrêtée que j’aille avec vous à Paris, père ?
— Certes, beau fils, et nous partirons demain au point