Le comte, content de la permission qu’il avait obtenue de l’abbé, se rendit dans la ville pour se faire confectionner une ceinture du tissu le plus précieux qu’on pût trouver. Il ordonna à un orfèvre de l’enrichir de besans d’or et de boutons du même métal. Il y fit attacher une agrafe qui lui coûta plus de cent sols.
Il attacha cette ceinture à sa culotte en se disant :
— Tu me coûtes cher ; mais tu sauteras aux yeux, et celui qui se mettra à te convoiter, il n’a qu’à venir te prendre et par le corps de saint Richer ! il paiera cher son audace.
Ensuite il vint à l’abbé et lui dit :
— Seigneur, je me mets en route ; et si les larrons m’attaquent et veulent me dépouiller de mes vêtements, pour vous obéir je les leur laisserai prendre ; je leur laisserai même le cheval qui doit me porter. Mais s’ils en veulent à la ceinture que j’ai fait préparer, ils trouveront à qui parler. Celui qui osera s’approcher de moi, paiera cher son audace ; il sentira mon poing sur son crâne, de manière à faire sauter sa cervelle. Ce sera une leçon pour les autres.
L’abbé se signa à ces paroles, et plus d’un moine murmura à l’oreille de son voisin :
— Par saint Denis ! cet homme est enragé. Si les bandits ne viennent à bout de lui, nous avons fait une vilaine besogne.
Le comte Guillaume prit congé d’eux, et l’abbé lui fit donner plus de dix livres pour faire ses achats ; puis on lui apprêta deux chevaux de somme qu’un valet devait conduire. Le comte monta à cheval et sortit du cloître ; les moines qui le virent partir, le donnèrent tous au diable.