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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/53

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VI


Vint le moment où je dus aller au catéchisme : ce fut mon premier contact avec la société. La société, pour la circonstance, était représentée par un vieux curé à la mine rose et aux cheveux blancs, et par cinq gamins, dont quatre étaient, pour le moins, aussi sauvages que moi. Seul, Jules Vassenat, le fils du buraliste-aubergiste, était moins emprunté parce qu’il allait apprendre à lire à Noyant où il y avait une école. Elles étaient loin les unes des autres à ce moment, les écoles. Et les quasi-bourgeois seuls pouvaient y envoyer leurs enfants ; car les annuités étaient chères.

Le catéchisme des garçons se faisait à huit heures du matin. Comme il y avait une bonne lieue du Garibier au village, il me fallait partir de chez nous l’hiver avant qu’il fasse jour. Par les temps de gel je m’en tirais bien, sauf qu’il m’arrivait souvent de buter et même de tomber car les chemins étaient cahoteux à l’excès. Mais par les temps humides, je m’enlisais dans la boue gluante ; elle pénétrait dans mes sabots et crottait mes chausses de laine, si bien que j’étais très mal à l’aise à l’église pendant le cours des séances. De plus, le curé se fâchait quand j’arrivais avec des sabots trop sales. (À vrai dire, il ne ménageait pas davantage mes camarades, lesquels n’étaient guère plus favorisés que moi sous le rapport des chemins.) Il était d’un caractère très emportant. Quand nous répondions mal à ses questions, et aussi quand nous chuchotions et riions, il s’emballait tout à fait :