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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/65

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À dater de ce moment, bien que restant porcher en titre, je commençai à me familiariser avec toutes les besognes. J’étais employé comme toucheur de bœufs — « boiron » comme on disait alors — surtout pendant le dernier mois d’hiver et les deux premiers mois de printemps. C’était l’époque où on mettait l’araire dans les jachères à ensemencer l’automne d’après, et, pour cette opération, il fallait les quatre bœufs au même attelage.

Nous venions à neuf heures, après le pansage du matin — mon parrain et moi — et nous restions jusqu’à trois ou quatre heures de l’après-midi. J’amenais les cochons qui s’occupaient à suivre le sillon ouvert pour manger les vers déterrés et restaient à peu près sages. Une longue gaule aiguillonnée me servait à diriger les bœufs qui s’appelaient Noiraud, Rougeaud, Blanchon et Mouton. Les deux premiers étaient de cette race d’Auvergne dont j’ai déjà parlé : (il y en avait un couple au moins dans chaque ferme ; car on prétendait que les bœufs blancs du pays n’étaient pas assez robustes pour faire tout le travail). Ils allaient bien, ayant l’expérience de l’âge. Mais les deux blancs, jeunes encore, avaient besoin d’être surveillés sans relâche. Je me fatiguais beaucoup à marcher sur la terre remuée, à cause surtout des petits cailloux qui pénétraient dans mes sabots et me faisaient mal aux pieds. Quand j’étais trop ennuyé de toucher, je demandais à mon parrain de me laisser un peu tenir le manche de l’araire, et il y consentait quelquefois. Ça me remuait fortement, mais ça m’intéressait. Néanmoins, malgré toute ma bonne volonté, le manque d’habitude et le manque de force, ou bien un faux mouvement des bœufs, faisaient que je laissais quelquefois dévier l’outil. Alors mon parrain se fâchait : car il était assez emportant et très pointilleux sous le rapport du travail. Pourtant, la chose lui