Aller au contenu

Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Billette », était située à proximité du bourg de Saint-Menoux, au bas d’une grande côte, tout près de la route de Bourbon. Elle venait d’être achetée par un pharmacien de Moulins, un certain M. Boutry, lequel, ayant remis son fond, vint s’y installer en même temps que nous : car il y avait une maison de maître, une grande maison carrée dans un jardin spacieux, qu’un mur séparait de notre cour.

À plusieurs points de vue, nous étions mieux placés qu’au Garibier. Les bâtiments n’étaient qu’à deux cents mètres de la grande route que bordaient plusieurs de nos champs. Nous voyions passer des cavaliers, des piétons, des voitures ; cela nous changeait de notre vallon sauvage de là-bas où jamais nous n’avions l’occasion de voir d’étrangers. Le logement était passable et il n’y avait pas à se plaindre des terres. Mais ce qui nous sembla bientôt gênant, puis insupportable, ce fut la quasi-cohabitation avec le maître, sa présence constante.

M. Boutry n’était pas un mauvais homme et je mettrais ma main au feu que lui ne profita pas de notre ignorance pour nous gruger sur les comptes. Seulement, il était méticuleux et tatillon. Il avait le tort, — ne connaissant rien des choses de la culture, — de prendre au sérieux son rôle de propriétaire gérant. Il avait acheté des livres d’agriculture et il aurait voulu nous faire accepter en bloc les théories qu’il y puisait. Ces théories avaient peut-être du bon, mais elles contenaient aussi beaucoup d’absurdités ; et elles étaient si contraires aux habituelles façons de faire que, bien souvent, lorsqu’il les développait, nous lui éclations de rire au nez. D’ailleurs, son physique même et ses gestes prêtaient à rire. Petit, vif et remuant, crâne chauve et barbe courte, il venait en sautillant nous relancer dans les étables ou dans les champs. Et timidement, poliment, il faisait ses observations :