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Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/160

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De sorte que le père, ne sachant plus à quel dieu se vouer, se décida à user du grand remède : le mariage.

Car au Japon, comme en Europe, le mariage a toujours été un traitement propre à guérir les maux des jeunes filles atteintes de mélancolie.

Il fit donc revenir Mmégaé à Kioto et prit le parti de la marier à Hana-no-Koogi, jeune noble fort estimé à la cour.

Pendant ce temps, Korétoki ayant appris que sa mère se mourait à Yeddo était parti subitement pour la capitale des Shiogouns.

Mmégaé apprenait à la fois les projets de son père et le départ de son amant. Elle faillit en mourir.

Matsoué, de son côté, s’aperçut que ses relations avec Obana l’avaient mise dans un état qu’elle ne pourrait bientôt plus cacher et elle résolut de se donner la mort.

Un soir, donc, elle se munit d’un de ces petits poignards que les femmes nobles portent sur elles, et attendit que tout le monde fût endormi pour mettre son funeste projet à exécution.

Avant d’en venir au coup fatal, elle repassa dans son esprit tous ses malheurs. Elle se fit, selon l’usage en pareil cas, un long monologue entrecoupé de sanglots, qu’elle ne put assez étouffer pour empêcher son amie Mmégaé de l’entendre pleurer.

Mmégaé, qui avait aussi ses raisons pour ne pas dormir, se précipita dans la chambre de sa suivante, et, saisissant le poignard, qui brillait déjà hors de son fourreau :

— Que faites-vous, Matsoué ? Que voulez-vous faire ? Perdez-vous la raison ? Pourquoi vous tuer ? Je ne vous permets pas de vous donner la mort.

Et elle ajouta d’un ton plus doux :

— Je vous aime tant, Matsoué ! Et je ne compte plus que sur vous maintenant.