Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/161

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Alors elle se coucha à côté de son amie et, la tenant doucement enlacée dans ses bras, elle chercha à la consoler.

Mais, loin de se calmer, les deux jeunes filles ne purent qu’aiguiser leur chagrin au récit de leurs malheurs. Si bien que l’heure du lièvre arriva qu’elles mêlaient encore leurs larmes en se parlant à voix basse.

Le même jour, la vieille tante, désirant distraire sa nièce, envoya de son château un jeu de fleurs.

Cela se composait de boîtes élégantes toutes ouvertes et pleines de fleurs de différentes espèces, chaque boîte ne contenant qu’une seule espèce, et chaque espèce remplissant deux boîtes.

Deux personnes se partageaient les deux séries de boîtes et il fallait simultanément présenter des fleurs semblables.

Toutes les suivantes de Mmégaé crurent avoir trouvé une occasion d’égayer leur jeune maîtresse. Elles se réunirent aussitôt pour la pousser à jouer avec elles.

Mmégaé y consent. Mais, à peine a-t-elle choisi une fleur que, au lieu de penser au jeu, elle se lance dans des considérations sentimentales sur le triste sort de la pauvre fleur séparée de la racine qui lui donnait la vie, et sur l’indifférence de la racine, qui attend tranquillement une nouvelle fleur, et qui suppose que la fleur qu’on a cueillie est bienheureuse d’être dans une jolie boîte laquée d’or, tandis que, au contraire, la fleur séparée de sa tige languit, se fane et meurt.

Les suivantes ne comprirent pas grand’chose à ces plaintes de la fleur ; mais Matsoué en conclut que l’amour de sa maîtresse était sans remède, et elle résolut d’en parler à Obana et de prendre un parti décisif.

Et, par une nuit sombre, Mmégaé et Matsoué, vêtues du costume que les dames de la cour mettent en voyage, se sauvaient par la petite porte du jardin.