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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/13

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LE PETIT VILLAGEOIS

couvée, s’écartait de l’arbre avec précaution et l’enfant en un clin d’œil était à terre.

— Montre donc | montre donc |

Toutes les têtes se touchaient. On partageait ce butin vivant comme les rois se partagent les peuples et nous restions sans pitié pour les pauvres parents désolés, dont nous nous étions appropriés les enfants, que nous avions entièrement dépouillés, en conquérants que nous étions.

Que de mal peuvent faire l’ignorance et le désœuvrement s’ils ôtent aux enfants mêmes, ce bon sentiment : la compassion.

Nous autres, élevés à la campagne, nous n’avions pas pour nous distraire les jouets merveilleux de la ville ; nous devions nous créer des amusements sans qu’on s’occupât de nous. Pourvu que nous fussions rentrés à l’heure du souper et que nous n’eussions pas été à la maraude, personne ne s’inquiétait de l’emploi de notre journée ; certes ! on avait bien d’autres soucis ! Nous allions, la bride sur le cou, comme des chevaux échappés, et, la plupart du temps, nous courions au bois.

Au bois… Oh ! les courses folles à l’époque des fraises ! quels rires joyeux quand l’un de nous découvrait un endroit où abondaient ces fruits parfumés ! Tous s’y précipitaient à la fois ; c’était à qui en rapporterait le plus à la maison ; puis, la récolte faite, on s’en retournait en bande, le panier au bras, et le soir au souper, la mère versait une grande jatte de crême sur les belles fraises. Vraiment ! c’était délicieux !