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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/15

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LE PETIT VILLAGEOIS

Cela n’a-t-il pas suffi, d’ailleurs, pour que la vieille voisine Mathurine répandit contre toi des bruits calomniateurs, prétendant que le père Lascience, mon parrain, l’avait regardé dans les deux yeux, le vieux sorcier qu’il était ?

Et toi, brave Glou-Glou dont la fin fut si terrible et si inattendue ! Je te vois encore à peine remis de nos courses à travers les plates-bandes, partageant mes jeux avec le bon César… je te vois la plume hérissée, la gorge écarlate avec des tons bleuâtres, jetant un dernier gloussement qui semblait un joyeux éclat de rire.

Ah ! je te vois… mais tu fuis ? C’est que voici ton bourreau |

Oui, les Chinois, si raffinés dans leurs supplices, sont sans génie auprès de la grosse Jeanneton, la fille de basse-cour.

Elle connaît le secret de taire engraisser un être, bon gré, mal gré, le procédé consiste à lui introduire dans la gorge une noix intacte, puis deux, en augmentant ainsi progressivement chaque jour.

Voyant le pauvre animal se débattre entre ses genoux puissants, je demandais grâce, mais Jeanneton était impitoyable.

Mon pauvre compagnon ne jouait plus depuis le début de cet affreux traitement ; il tenait la tête dans ses ailes et faisait le gros dos.

Jeanneton triomphante disait :

— Pardi je savais bien que ça les faisait grossir à vue d’œil… dans une quinzaine ce poulot-là nous fera vraiment honneur !