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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/16

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LE NUMÉRO TREIZE

Hélas ! le onzième jour, l’infortuné Glou-Glou, immobile, le bec entr’ouvert, les ailes pendantes, un chapelet de noix dans l’appareil digestif, rendait le dernier soupir.

Saisi d’indignation, je ramassai une pierre pour la jeter à la grosse Jeanneton, mais les larmes m’aveuglaient, je ne pus viser nettement le but et la pierre alla frapper droit dans la fenêtre de la grande pièce.

À ce vacarme, la vieille Mathurine qui passait dans la rue, accourut tout effrayée ; en présence des vitres brisées, du pauvre Glou-Glou étendu par terre, apercevant Jeanneton qui, les poings sur les hanches, regardait sa victime d’un air hébété et moi, tout en larmes, elle s’arrêta, hocha la tête, puisa dans sa tabatière, et, s’essuyant les doigts à son tablier, s’en alla en murmurant :

— Tout ça, ce n’est pas naturel ! il leur a jeté un sort, le vieux | Je m’y connais.

Le spectacle de cet abus de pouvoir me resta dans l’esprit ; plus tard, quand je fus devenu homme, à la vue de bien d’autres, je me disais :

Si les opprimés savaient s’unir aux bons au lieu de rester isolés, quelle force pourrait les dominer, les écraser, les anéantir ? La seule invincible de toutes les forces, c’est la fraternité.

L’automne arrivait semant dans les prés cette fleur que vous appelez colchique, et qu’au village nous nommons veillottes, parce qu’elle annoncent l’approche des veillées.

L’hiver est triste à la campagne, les journées