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Page:Guiraud - Chants hellènes, 1824.djvu/37

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IPSARA.


D’une voix tour à tour menaçante et plaintive,
J’éveillerais au loin l’Europe inattentive,
Et jusqu’au cœur des rois et des peuples surpris,
De l’Archipel sanglant je porterais les cris.

Mais je n’ose prétendre à ce sublime ouvrage ;
Dieu n’a pas mesuré ma force à mon courage ;
Ma voix faible pour vous n’a que des sons touchans,
Ô Grecs ! et trop de pleurs interrompent mes chants…

Eh ! comment retenir ses larmes indignées,
Lorsqu’en des flots de sang vos familles baignées,
Implorent des vengeurs qu’elles n’obtiennent pas !
Lorsqu’aux traces de l’homme attaché pas à pas,
Le Janissaire égorge, incendie et ravage,
Aux rebuts de son glaive impose l’esclavage,
Et toujours du triomphe ensanglantant le fruit,
Ne croit avoir vaincu que ce qu’il a détruit !

Nobles Grecs, votre cause, en vain dénaturée,
Est celle du malheur, toujours pure et sacrée :
Et dussent tous les maux que vous avez soufferts,
Sur mon frêle destin tomber avec vos fers,