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IPSARA.

Et, de ce jour vengeur, si l’aube inexorable
Vit fuir un seul guerrier de leur camp innombrable.
Eh bien, du même Dieu le glaive t’est remis ;
À sa juste fureur livre tes ennemis ;
Lève-toi : fonds sur eux sans mesurer leur nombre ;
Le labarum vainqueur te couvre de son ombre.
Et moi qui de si loin ose t’encourager,
Qui gémis sur ton sort qu’il faudrait partager,
Moi qu’indigne l’Europe oisive et financière,
Méconnaissant le prix de ta noble poussière,
Que ne puis-je t’aider en tes nouveaux efforts ?
Que n’ai-je à t’apporter un nom et des trésors !
J’irais, j’évoquerais les ombres généreuses[1]
Dont la France a peuplé tes îles malheureuses,
De ces derniers croisés voués au Tout-Puissant,
Qui t’ont laissé leur gloire et peut-être leur sang ;
Mais un plus saint devoir enchaîne encor ma vie.
Eh bien ! je chanterai tes périls que j’envie,
Et déjà mes accens réveillant l’Hellespont…
Dieu ! quel long cri de mort tout à coup y répond !

  1. Nous avons peut-être des frères dans les Grecs que nous abandonnons : les rois de Chypre, les comtes d’Athènes, etc., étaient des français, et toute la suite de ces seigneurs s'étant mêlée aux naturels du pays, il sera demeuré en Grèce tout le sang français que le cimeterre n’aura pas répandu.