Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/369

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ne fait point de miracles. » Mais le malheureux s’en retourna, et avant d’avoir rapporté ces faits à celui qui l’avait envoyé, il reconnut par lui-même le pouvoir du saint martyr, car il mourut en route ; il ne put rendre compte à son maître, et fut forcé par sa mort de rendre hommage à celui qu’il avait méprisé.

Ce fait fut bientôt divulgué et remplit de joie les fidèles. Le méchant Ébroin l’ayant appris se taisait, et tout tremblant, n’osait en parler à personne qu’à sa femme, de peur que, toujours croissant, la gloire du martyr ne le fît décroître dans l’esprit des peuples, lui qui avait voulu éteindre une telle lumière ; mais autant ce misérable s’efforçait de cacher ce qui se passait, autant et plus s’étendait la rumeur des miracles du saint. Ébroin ne l’ignora point, mais ne se voulut point amender, et son cœur aveugle s’endurcissait, ainsi que celui de ses satellites, par l’incrédulité. Il ordonnait avec menaces de taire ce que le Christ avait daigné faire éclater, pour éclairer les fidèles, confondre les incrédules, et glorifier son martyr posé sur le chandelier de l’église. L’esprit du tyran se troublait et chancelait de jour en jour ; mais il ne se tournait en aucune manière vers l’amendement et l’humilité. Au contraire, il élevait la tête en présence de tous avec un orgueil fastueux plus grand qu’à l’ordinaire, et en lui s’accomplissait le proverbe de Salomon : L’orgueil précède la ruine de l’âme, et l’esprit s’élève avant sa chute[1]. Et pour qu’il n’échappât point au châtiment d’un si grand crime, l’insensé alla lui-même au devant de la mort. En une certaine occasion, il dépouilla un grand qui remplissait une fonction fiscale, tellement qu’il lui enleva

  1. Prov., chap. 16, v. 18.