Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/370

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presque tout son bien, le menaçant encore de la mort. Cet homme voyant que, déjà ruiné, il courait risque de la vie, prit courage, et alla avant le jour attendre Ébroin devant sa porte. C’était un dimanche, et Ébroin sortait pour se rendre à Matines. Dès qu’il eût mis le pied sur le seuil, voici que tout à coup le grand se jeta sur lui, le frappa du glaive et le précipita dans une double mort. Ainsi cessa dans le royaume la tyrannie de cet homme, comme David lava la honte des enfants d’Israël, en mettant à mort le géant Philistin. Ainsi au bout de trois ans, la parole divine s’accomplit sur Ébroin à jamais déplorable, et qui avait voulu éteindre une telle lumière. Celui qui en avait mis à mort tant d’autres, par le glaive, périt frappé lui-même du glaive. Ce malheureux qui s’était élevé à tant d’honneurs, qui voyait briller dans les trois parties du monde la renommée de son pouvoir, pour n’avoir pas voulu obéir aux commandemens de Dieu, et pardonner à ses ennemis, en envoya plusieurs au ciel en croyant se venger d’eux. Aussi est-il fort à craindre que l’homme dont la cruelle vengeance a fait périr tant de prêtres et de grands, ne se soit préparé les peines éternelles, et que celui qui n’a pas su conserver un pouvoir plus brillant que n’avait jamais possédé aucun Franc, n’ait perdit aussi la vie bienheureuse que la douceur eût pu lui mériter.

Quand fut mort le malheureux Ébroin, la gloire du serviteur de Dieu, que dans sa haine il aurait voulu étouffer, retentit au loin de tous côtés avec de grandes louanges. Dès que la vérité sur les vertus de ce saint martyr parvint à la Sérénité royale et à son palais, dès qu’on sut que le Seigneur Christ, pour lui