Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/102

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faut d’autres ; les pouvoirs se sont établis en vertu de certaines convenances sociales, de certains rapports avec l’état de la société, avec les mœurs, les opinions. Mais il est impossible de ne pas reconnaître que la force a souillé le berceau de tous les pouvoirs du monde, quelles qu’aient été leur nature et leur forme.

Eh bien ! Messieurs, cette origine-là, personne n’en veut ; tous les pouvoirs, quels qu’ils soient, la renient ; il n’y en a aucun qui veuille être né du sein de la force. Un instinct invincible avertit les gouvernements que la force ne fonde pas un droit, et que, s’ils n’avaient pour origine que la force, le droit ne pourrait jamais en sortir. Voilà pourquoi, quand on remonte aux temps anciens, quand on y trouve les divers systèmes, les divers pouvoirs en proie à la violence, tous s’écrient : « J’étais antérieur, je subsistais auparavant, je subsistais en vertu d’autres titres ; la société m’appartenait avant cet état de violence et de lutte dans lequel vous me rencontrez ; j’étais légitime ; on m’a contesté, on m’a enlevé mes droits. »

Ce fait seul, prouve, Messieurs, que l’idée de la force n’est pas le fondement de la légitimité politique, qu’elle repose sur une toute autre base. Que font en effet tous les systèmes, par ce désaveu formel de la force ? ils proclament eux-mêmes qu’il y a une autre légitimité, vrai fondement de toutes les autres, la légitimité de la raison, de la justice, du droit ; c’est là l’origine à laquelle ils ont besoin de se rattacher. C’est parce qu’ils ne veulent pas de la force pour berceau, qu’ils se prétendent investis, au nom de leur ancienneté, d’un titre différent. Le premier caractère de la légitimité politique, c’est donc de renier la