Aller au contenu

Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les preuves abondent. N’est-ce pas dans le sein de la famille féodale que l’importance des femmes s’est enfin développée ? Dans toutes les sociétés anciennes, je ne parle pas de celles où l’esprit de famille n’existait pas, mais dans celles-là même où il était puissant, dans la vie patriarcale, par exemple, les femmes ne tenaient pas à beaucoup près la place qu’elles ont acquise en Europe sous le régime féodal. C’est au développement, à la prépondérance nécessaire des mœurs domestiques dans la féodalité, qu’elles ont dû surtout ce changement, ce progrès de leur situation. On en a voulu chercher la cause dans les mœurs particulières des anciens Germains, dans un respect national qu’au milieu des forêts ils portaient, a-t-on dit, aux femmes. Sur une phrase de Tacite, le patriotisme germanique a élevé je ne sais quelle supériorité, quelle pureté primitive et ineffaçable des mœurs germaines dans les rapports des deux sexes. Pures chimères ! Des phrases pareilles à celles de Tacite, des sentiments, des usages analogues à ceux des anciens Germains, se rencontrent dans les récits d’une foule d’observateurs des peuples sauvages ou barbares. Il n’y a rien là de primitif, rien de propre à une certaine race. C’est dans les effets d’une situation sociale fortement déterminée, c’est dans les progrès, dans la prépondérance des mœurs domestiques que l’importance des femmes en Europe a pris sa source, et la prépondérance des mœurs domestiques est devenue, de très bonne heure, un caractère essentiel du régime féodal.

Un second fait, nouvelle preuve de l’empire de l’existence domestique, caractérise également la famille