Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/157

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tel sentiment peut bien provoquer entre les hommes une association momentanée ; il peut, il doit même prendre plaisir à la sympathie, s’en nourrir et s’y fortifier. Mais, par sa nature flottante, douteuse, il se refuse à devenir le principe d’une association permanente, étendue, à s’accommoder d’aucun système de préceptes, de pratiques, de formes ; en un mot, à enfanter une société et un gouvernement religieux.

Mais, Messieurs, ou je m’abuse étrangement, ou ce sentiment religieux n’est point l’expression complète de la nature religieuse de l’homme. La religion est, je crois, tout autre chose, et beaucoup plus.

Il y a dans la nature humaine, dans la destinée humaine, des problèmes dont la solution est hors de ce monde, qui se rattachent à un ordre de choses étranger au monde visible, et qui tourmentent invinciblement l’âme de l’homme, qu’elle veut absolument résoudre. La solution de ces problèmes, les croyances, les dogmes qui la contiennent, qui s’en flattent du moins, tel est le premier objet, la première source de la religion.

Une autre route y conduit les hommes. Pour ceux d’entre vous qui ont fait des études philosophiques un peu étendues, il est, je crois, évident aujourd’hui que la morale existe indépendamment des idées religieuses ; que la distinction du bien et du mal moral, l’obligation de fuir le mal, de faire le bien, sont des lois que l’homme reconnaît dans sa propre nature aussi bien que les lois de la logique, et qui ont en lui leur principe comme, dans sa vie actuelle, leur application. Mais ces faits constatés, la morale rendue