Aller au contenu

Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gouvernement naît et s’établit dans la société en général. Je me bornerai à dire que, lorsque les choses suivent leurs lois naturelles, quand la force ne s’en mêle pas, le pouvoir va aux plus capables, aux meilleurs, à ceux qui mèneront la société à son but. S’agit-il d’une expédition de guerre ? ce sont les plus braves qui prennent le pouvoir. L’association a-t-elle pour objet une recherche, une entreprise savante ? le plus habile sera le maître. En tout, dans le monde livré à son cours naturel, l’inégalité naturelle des hommes se déploie librement, et chacun prend la place qu’il est capable d’occuper. Eh bien ! sous le rapport religieux, les hommes ne sont pas plus égaux en talents, en facultés, en puissance que partout ailleurs ; tel sera plus capable que tout autre de mettre en lumière les doctrines religieuses, et de les faire généralement adopter ; tel autre porte en lui plus d’autorité pour faire observer les préceptes religieux ; tel autre excellera à entretenir, à animer dans les âmes les émotions et les espérances religieuses. La même inégalité de facultés et d’influence qui fait naître le pouvoir dans la société civile, le fait naître également dans la société religieuse. Les missionnaires se font, se déclarent comme les généraux. En sorte que, d’une part, de la nature de la société religieuse découle nécessairement le gouvernement religieux ; de l’autre, il s’y développe naturellement par le seul effet des facultés humaines, et de leur inégale répartition. Ainsi, dès que la religion naît dans l’homme, la société religieuse se développe ; dès que la société religieuse paraît, elle enfante son gouvernement.

Mais une objection fondamentale s’élève : il n’y a