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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/171

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même, à ses maximes primitives, droit contesté par plusieurs des illustres Pères, saint Ambroise, saint Hilaire, saint Martin, mais qui prévalait cependant et devenait un fait dominant. La prétention de forcer à croire, si on peut mettre ces deux mots ensemble, ou de punir matériellement la croyance, la persécution de l’hérésie, c’est-à-dire le mépris de la liberté légitime de la pensée humaine, c’est là l’erreur qui, déjà bien avant le cinquième siècle, s’était introduite dans l’Église, et lui a coûté le plus cher.

Si donc on considère l’Église dans ses rapports avec la liberté de ses membres, on reconnaît que ses principes à cet égard étaient moins légitimes, moins salutaires que ceux qui présidaient à la formation du pouvoir ecclésiastique. Il ne faut pas croire cependant qu’un mauvais principe vicie radicalement une institution, ni même qu’il y fasse tout le mal qu’il porte dans son sein. Rien ne fausse plus l’histoire que la logique : quand l’esprit humain s’est arrêté sur une idée, il en tire toutes les conséquences possibles, lui fait produire tout ce qu’en effet elle pourrait produire, et puis se la représente, dans l’histoire, avec tout ce cortège. Il n’en arrive point ainsi ; les événements ne sont pas si prompts dans leurs déductions que l’esprit humain. Il y a dans toutes choses un mélange de bien et de mal si profond, si invincible, que, quelque part que vous pénétriez, quand vous descendez dans les derniers éléments de la société ou de l’âme, vous y trouvez ces deux ordres de faits coexistants, se développant l’un à côté de l’autre, se combattant, mais sans s’exterminer. La nature humaine ne va jamais jusqu’aux dernières limites, ni du