Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/176

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plus vaguement, la séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, et leur indépendance réciproque. C’est à l’aide de ce principe que l’Église a vécu libre à côté des Barbares ; elle a maintenu que la force n’avait aucune action sur le système des croyances, des espérances, des promesses religieuses, que le monde spirituel et le monde temporel étaient complètement distincts.

Vous voyez tout de suite quelles salutaires conséquences ont découlé de ce principe. Indépendamment de l’utilité temporaire dont il a été pour l’Église, il a eu cet inestimable effet de fonder en droit la séparation des pouvoirs, de les contrôler l’un par l’autre. De plus, en soutenant l’indépendance du monde intellectuel en général, dans son ensemble, l’Église a préparé l’indépendance du monde intellectuel individuel, l’indépendance de la pensée. L’Église disait que le système des croyances religieuses ne pouvait tomber sous le joug de la force ; chaque individu a été amené à tenir pour son propre compte le langage de l’Église. Le principe du libre examen, de la liberté de la pensée individuelle, est exactement le même que celui de l’indépendance de l’autorité spirituelle générale, à l’égard du pouvoir temporel.

Malheureusement il est aisé de passer du besoin de la liberté à l’envie de la domination. C’est ce qui est arrivé dans le sein de l’Église : par le développement naturel de l’ambition, de l’orgueil humain, l’Église a tenté d’établir non-seulement l’indépendance, mais la domination du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Il ne faut pas croire cependant que cette prétention n’ait eu d’autre source que les