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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/177

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faiblesses de l’humanité ; il y en a de plus profondes et qu’il importe de connaître.

Quand la liberté règne dans le monde intellectuel, quand la pensée, la conscience humaine ne sont point assujetties à un pouvoir qui leur conteste le droit de débattre, de décider, et emploie la force contre elles, quand il n’y a point de gouvernement spirituel visible, constitué, réclamant et exerçant le droit de dicter les opinions ; alors l’idée de la domination de l’ordre spirituel sur l’ordre temporel ne peut guère naître. Tel est à peu près aujourd’hui l’état du monde. Mais quand il existe, comme il existait au dixième siècle, un gouvernement de l’ordre spirituel ; quand la pensée, la conscience tombent sous des lois, sous des institutions, sous des pouvoirs qui s’arrogent le droit de les commander et de les contraindre ; en un mot, quand le pouvoir spirituel est constitué, quand il a pris effectivement possession, au nom du droit et de la force, de la raison et de la conscience humaine, il est naturel qu’il soit conduit à prétendre la domination sur l’ordre temporel, qu’il dise : « Comment ! j’ai droit, j’ai action sur ce qu’il y a de plus élevé, de plus indépendant dans l’homme, sur sa pensée, sur sa volonté intérieure, sur sa conscience, et je n’aurais pas droit sur ses intérêts extérieurs, matériels, passagers ! Je suis l’interprète de la justice, de la vérité, et je ne pourrai pas régler les rapports mondains selon la justice et la vérité ! » Il devait arriver par la seule vertu de ce raisonnement, que l’ordre spirituel tendît à envahir l’ordre temporel. Et cela devait arriver d’autant plus, que l’ordre spirituel embrassait alors tous les développements possibles de la pensée humaine ;