Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/178

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il n’y avait qu’une science, la théologie, qu’un ordre spirituel, l’ordre théologique ; toutes les autres sciences, la rhétorique, l’arithmétique, la musique même, tout rentrait dans la théologie.

Le pouvoir spirituel se trouvant ainsi à la tête de toute l’activité de la pensée humaine, devait naturellement s’arroger le gouvernement général du monde.

Une seconde cause l’y poussait également : l’état épouvantable de l’ordre temporel, la violence, l’iniquité qui présidaient au gouvernement temporel des sociétés.

Depuis quelques siècles, on parle à son aise des droits du pouvoir temporel ; mais à l’époque qui nous occupe, le pouvoir temporel c’était la force pure, un brigandage intraitable. L’Église, quelque imparfaites que fussent encore ses notions de morale et de justice, était infiniment supérieure à un tel gouvernement temporel ; le cri des peuples venait continuellement la presser de prendre sa place. Lorsqu’un pape ou des évêques proclamaient qu’un souverain avait perdu ses droits, que ses sujets étaient déliés du serment de fidélité, cette intervention, sans doute sujette à de graves abus, était souvent, dans le cas particulier, légitime et salutaire. En général, Messieurs, quand la liberté a manqué aux hommes, c’est la religion qui s’est chargée de la remplacer. Au dixième siècle les peuples n’étaient point en état de se défendre, de faire valoir leurs droits contre la violence civile : la religion intervenait au nom du Ciel. C’est une des causes qui ont le plus contribué aux victoires du principe théocratique.

Il y en a une troisième, à mon avis, trop peu remarquée : c’est la complexité de la situation des