Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/201

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cesse. Le Cromwell de 1650 n’était pas le Cromwell de 1640. Il y a bien toujours un fond d’individualité, le même homme qui persiste ; mais que d’idées, que de sentiments, que de volontés ont changé en lui ! Que de choses il a perdues et acquises ! A quelque moment que nous considérions la vie de l’homme, il n’y en a aucun où il ait été tel que nous le voyons quand le terme est atteint.

C’est pourtant là, Messieurs, l’erreur où sont tombés la plupart des historiens ; parce qu’ils ont acquis une idée complète de l’homme, ils le voient tel dans tout le cours de sa carrière ; pour eux, c’est le même Cromwell qui entre en 1628 dans le parlement, et qui meurt trente ans après dans le palais de White-Hall. Et en fait d’institutions, d’influences générales, on commet sans cesse la même méprise. Prenons soin de nous en défendre, Messieurs ; je vous ai présenté dans leur ensemble les principes de l’Église, et le développement des conséquences. Sachez bien qu’historiquement ce tableau n’est pas vrai. Tout cela a été partiel, successif, jeté çà et là dans l’espace et le temps. Ne vous attendez pas à retrouver, dans le récit des faits, cet ensemble, cet enchaînement prompt et systématique. Nous verrons poindre ici tel principe, là tel autre ; tout sera incomplet, inégal, épars ; il faudra arriver aux temps modernes, au bout de la carrière, pour retrouver l’ensemble. Je vais mettre sous vos yeux les divers états par lesquels l’Église a passé du cinquième au douzième siècle ; nous y puiserons par la démonstration complète des assertions que je vous ai présentées ; cependant, nous en verrons assez, je crois, pour pressentir leur légitimité.