Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/207

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du plus grand désordre de mœurs parmi les prêtres.

Ce désordre choquait extrêmement et le peuple et la meilleure portion du clergé. Aussi voit-on de bonne heure poindre un esprit de réforme dans l’Église, un besoin de chercher quelque autorité qui rallie tous ces éléments, et leur impose la règle. Claude, évêque de Turin, Agobard, archevêque de Lyon, font dans leurs diocèses quelques essais de ce genre ; mais ils n’étaient pas en état d’accomplir une telle œuvre ; il n’y avait dans le sein de l’Église qu’une seule force qui pût y réussir : c’était la cour de Rome, la papauté. Aussi ne tarda-t-elle pas à prévaloir. L’Église passa, dans le courant du onzième siècle, à son quatrième état, à l’état d’Église théocratique et monastique. Le créateur de cette nouvelle forme de l’Église, autant qu’il appartient à un homme de créer, c’est Grégoire VII.

Nous sommes accoutumés, Messieurs, a nous représenter Grégoire VII comme un homme qui a voulu rendre toutes choses immobiles, comme un adversaire du développement intellectuel, du progrès social, comme un homme qui prétendait retenir le monde dans un système stationnaire ou rétrograde. Rien n’est moins vrai, Messieurs ; Grégoire VII était un réformateur par la voie du despotisme, comme Charlemagne et Pierre-le-Grand. Il a été à peu près, dans l’ordre ecclésiastique, ce que Charlemagne, en France, et Pierre-le-Grand, en Russie, ont été dans l’ordre civil. Il a voulu réformer l’Église, et par l’Église la société civile, y introduire plus de moralité, plus de justice, plus de règle ; il a voulu le faire par le Saint-Siège et à son profit.