Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/21

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marais fangeux de la plaine ; gravissons les hautes collines : nous nous rapprocherons du ciel.

Parmi les sujets qui semblent solliciter le talent, je n’en connais pas de plus beau que l’histoire générale de notre patrie[1] ; et récemment une voix éloquente nous en a fait parcourir l’étendue.

Or, cette histoire sera-t-elle critique, philosophique ou pittoresque ? Marchera-t-elle sous la bannière de la synthèse ou de l’analyse ?

Si jamais l’éclectisme a été chose raisonnable, c’est dans l’occasion présente. Je ne parle pas de ce système stérile et confus qui n’est, en théorie, que la négation de toute doctrine ; ni de cet égoïsme hypocrite qui, en pratique, s’accommode de tout avantage à sa convenance dans chaque situation sociale, et subit la richesse du ton papelard dont le Tartuffe accepte les libéralités d’Orgon. Je veux désigner cette sûreté de vue qui, embrassant un objet dans sa plénitude, n’en néglige aucune face, n’en supprime aucune manière d’être.

Suivant l’ancienne législation littéraire, les genres étaient soigneusement séparés et ne pouvaient pas plus se confondre que les rangs des citoyens. Il était, par exemple, interdit au style noble de déroger jamais ; et le genre élevé n’avait pas pour le naïf et le simple de moindres dédains qu’un talon rouge pour un roturier.

Voilà pourtant que cette sévérité de classification

  1. Nous avons plusieurs abrégés très estimables de cette histoire ; nous en possédons des fragments très remarquables, mais on sent qu’il ne s’agit ici que d’une composition vaste et complète.