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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/215

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la manière dont elle est gouvernée, du sort des habitants. On lui dit qu’il y a hors des murs un pouvoir qui les taxe comme il lui plaît, sans leur consentement ; qui convoque leur milice et l’envoie à la guerre, aussi sans leur aveu. On lui parle des magistrats, du maire, des échevins, et il entend dire que les bourgeois ne les nomment pas. Il apprend que les affaires de la commune ne se décident pas dans la commune même ; un homme du roi, un intendant les administre seul et de loin. Bien plus, on lui dit que les habitants n’ont nul droit de s’assembler, de délibérer en commun sur ce qui les touche, que la cloche de leur église ne les appelle point sur la place publique. Le bourgeois du douzième siècle demeure confondu. Tout à l’heure il était stupéfait, épouvanté de la grandeur, de l’importance que la nation communale, que le tiers-état s’attribuait ; et voilà qu’il la trouve, au sein de ses propres foyers, dans un état de servitude, de faiblesse, de nullité bien pire que tout ce qu’il connaît de plus fâcheux. Il passe d’un spectacle au spectacle contraire, de la vue d’une bourgeoisie souveraine à la vue d’une bourgeoisie impuissante : comment voulez-vous qu’il comprenne, qu’il concilie, que son esprit ne soit pas bouleversé ?

Messieurs, retournons à notre tour dans le douzième siècle, nous bourgeois du dix-neuvième ; nous assisterons, en sens contraire, à un double spectacle absolument pareil. Toutes les fois que nous regarderons aux affaires générales, à l’État, au gouvernement du pays, à l’ensemble de la société, nous ne verrons point de bourgeois, nous n’en entendrons pas parler ; ils ne sont de rien, ils n’ont aucune importance ;