Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/216

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et non seulement ils n’ont dans l’État aucune importance ; mais si nous voulons savoir ce qu’ils en pensent eux-mêmes, comment ils en parlent, quelle est à leurs propres yeux leur situation dans leurs rapports avec le gouvernement de la France en général, nous trouverons leur langage d’une timidité, d’une humilité extraordinaires. Leurs anciens maîtres, les seigneurs, auxquels ils ont arraché leurs franchises, les traitent, de paroles du moins, avec une hauteur qui nous confond ; ils ne s’en étonnent, ils ne s’en irritent point.

Entrons dans la commune même, voyons ce qui s’y passe : la scène change ; nous sommes dans une espèce de place forte défendue par des bourgeois armés ; ces bourgeois se taxent, élisent leurs magistrats, jugent, punissent, s’assemblent pour délibérer sur leurs affaires ; tous viennent à ces assemblées ; ils font la guerre pour leur compte, contre leur seigneur ; ils ont une milice. En un mot, ils se gouvernent ; ils sont souverains.

C’est le même contraste qui, dans la France du dix-huitième siècle, avait tant étonné le bourgeois du douzième ; seulement les rôles sont déplacés. Ici, la nation bourgeoise est tout, la commune rien ; là, la nation bourgeoise n’est rien, la commune tout.

Certes, Messieurs, il faut qu’entre le douzième et le dix-huitième siècle il se soit passé bien des choses, bien des événements extraordinaires, qu’il se soit accompli bien des révolutions pour amener dans l’existence d’une classe sociale un changement si immense. Malgré ce changement, nul doute que le tiers-état de