Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/223

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revenait pas dans la même proportion. La vie errante avait cessé, il est vrai ; mais la vie errante était pour les vainqueurs, pour les nouveaux propriétaires du sol, un grand moyen de satisfaire leurs passions. Quand ils avaient besoin de piller, ils faisaient une course, ils allaient au loin chercher une autre fortune, un autre domaine. Quand chacun se fut à peu près établi, quand il fallut renoncer au vagabondage conquérant, l’avidité ne cessa point pour cela, ni les besoins grossiers, ni la violence des désirs. Leur poids retomba sur les gens qui se trouvaient là, sous la main, pour ainsi dire, des puissants du monde, sur les villes. Au lieu d’aller piller au loin, on pilla auprès. Les extorsions des seigneurs sur les bourgeois redoublent à partir du dixième siècle. Toutes les fois que le propriétaire du domaine où une ville se trouvait enclavée avait quelque accès d’avidité à satisfaire, c’était sur les bourgeois que s’exerçait sa violence. C’est surtout à cette époque qu’éclatent les plaintes de la bourgeoisie contre le défaut absolu de sécurité du commerce. Les marchands, après avoir fait leur tournée, ne pouvaient rentrer en paix dans leur ville ; les routes, les avenues étaient sans cesse assiégées par le seigneur et ses hommes. Le moment où l’industrie recommençait était précisément celui où la sécurité manquait le plus. Rien n’irrite plus l’homme que d’être ainsi troublé dans son travail, et dépouillé des fruits qu’il s’en était promis. Il s’en offense, il s’en courrouce beaucoup plus que lorsqu’on le fait souffrir dans une existence depuis longtemps fixe et monotone, lorsqu’on lui enlève ce qui n’a pas été le résultat de sa propre activité, ce qui