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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/224

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n’a pas suscité en lui toutes les joies de l’espérance. Il y a, dans le mouvement progressif qui élève vers une fortune nouvelle un homme ou une population, un principe de résistance contre l’iniquité et la violence beaucoup plus énergique que dans toute autre situation.

Voici donc, Messieurs, où en étaient les villes dans le cours du dixième siècle ; elles avaient plus de force, plus d’importance, plus de richesses, plus d’intérêts à défendre. Il leur était en même temps plus nécessaire que jamais de les défendre, car ces intérêts, cette force, ces richesses, devenaient un objet d’envie pour les seigneurs. Le danger et le mal croissaient avec les moyens d’y résister. De plus, le régime féodal donnait à tous ceux qui y assistaient l’exemple continuel de la résistance ; il ne présentait nullement aux esprits l’idée d’un gouvernement organisé, imposant, capable de tout régler, de tout dompter par sa seule intervention. C’était au contraire le continuel spectacle de la volonté individuelle refusant de se soumettre. Tel était l’état de la plupart des possesseurs de fiefs vis-à-vis de leurs suzerains, des petits seigneurs envers les grands ; en sorte qu’au moment où les villes étaient opprimées, tourmentées, au moment où elles avaient de nouveaux et plus grands intérêts à soutenir, au même moment elles avaient sous les yeux une leçon continuelle d’insurrection. Le régime féodal a rendu ce service à l’humanité de montrer sans cesse aux hommes la volonté individuelle se déployant dans toute son énergie. La leçon prospéra ; malgré leur faiblesse, malgré la prodigieuse inégalité de condition qu’il y avait entre