Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/230

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coalition n’avait existé entre les bourgeois ; ils n’avaient, comme classe, aucune existence publique et commune. Mais le pays était couvert d’hommes engagés dans la même situation, ayant les mêmes intérêts, les mêmes mœurs, entre lesquels ne pouvait manquer de naître peu à peu un certain lien, une certaine unité qui devait enfanter la bourgeoisie. La formation d’une grande classe sociale, de la bourgeoisie, était le résultat nécessaire de l’affranchissement local des bourgeois.

Il ne faut pas croire que cette classe fût alors ce qu’elle est devenue depuis. Non seulement sa situation a beaucoup changé, mais les éléments en étaient tout autres ; au douzième siècle elle ne se composait guère que de marchands, de négociants faisant un petit commerce, et de petits propriétaires, soit de maisons, soit de terres, qui avaient pris dans la ville leur habitation. Trois siècles après, la bourgeoisie comprenait en outre des avocats, des médecins, des lettrés de tous genres, tous les magistrats locaux. La bourgeoisie s’est formée successivement, et d’éléments très-divers : on n’a pas tenu compte en général, dans son histoire, ni de la succession, ni de la diversité. Toutes les fois qu’on a parlé de la bourgeoisie, on a paru la supposer, à toutes les époques, composée des mêmes éléments. Supposition absurde. C’est peut-être dans la diversité de sa composition aux diverses époques de l’histoire qu’il faut chercher le secret de sa destinée. Tant qu’elle n’a compté ni magistrats ni lettrés, tant qu’elle n’a pas été ce qu’elle est devenue au seizième siècle, elle n’a eu dans l’État ni le même caractère, ni la même importance. Il faut