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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/231

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voir naître successivement dans son sein de nouvelles professions, de nouvelles situations morales, un nouvel état intellectuel, pour comprendre les vicissitudes de sa fortune et de son pouvoir. Au douzième siècle elle ne se composait, je le répète, que de petits marchands qui se retiraient dans les villes après avoir fait leurs achats et leurs ventes ; et de propriétaires de maisons ou de petits domaines qui y avaient fixé leur résidence. Voilà la classe bourgeoise européenne dans ses premiers éléments.

Le troisième grand résultat de l’affranchissement des communes, c’est la lutte des classes, lutte qui constitue le fait même, et remplit l’histoire moderne. L’Europe moderne est née de la lutte des diverses classes de la société. Ailleurs, Messieurs, et je l’ai déjà fait pressentir, cette lutte a amené des résultats bien différents : en Asie, par exemple, une classe a complètement triomphé, et le régime des castes a succédé à celui des classes, et la société est tombée dans l’immobilité. Rien de tel, grâce à Dieu, n’est arrivé en Europe. Aucune des classes n’a pu vaincre ni assujettir les autres ; la lutte, au lieu de devenir un principe d’immobilité, a été une cause de progrès ; les rapports des diverses classes entre elles, la nécessité où elles se sont trouvées de se combattre et de se céder tour-à-tour ; la variété de leurs intérêts, de leurs passions, le besoin de se vaincre, sans pouvoir en venir à bout, de là est sorti peut-être le plus énergique, le plus fécond principe de développement de la civilisation européenne. Les classes ont lutté constamment ; elles se sont détestées ; une profonde diversité de situation, d’intérêts, de mœurs, a produit