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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/232

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entre elles une profonde hostilité morale ; et cependant elles se sont progressivement rapprochées, assimilées, entendues ; chaque pays de l’Europe a vu naître et se développer dans son sein un certain esprit général, une certaine communauté d’intérêts, d’idées, de sentiments qui ont triomphé de la diversité et de la guerre. En France, par exemple, dans les dix-septième et dix-huitième siècles, la séparation sociale et morale des classes était encore très-profonde ; nul doute cependant que la fusion ne fût dès-lors très-avancée, qu’il n’y eût dès-lors une véritable nation française qui n’était pas telle classe exclusivement, mais qui les comprenait toutes, et toutes animées d’un certain sentiment commun, ayant une existence sociale commune, fortement empreintes enfin de nationalité.

Ainsi, du sein de la variété, de l’inimitié, de la guerre, est sortie dans l’Europe moderne l’unité nationale devenue aujourd’hui si éclatante, et qui tend à se développer, à s’épurer de jour en jour avec un éclat encore bien supérieur.

Tels sont, Messieurs, les grands effets extérieurs, apparents, sociaux, de la révolution qui nous occupe. Cherchons quels furent ses effets moraux, quels changements s’accomplirent dans l’âme des bourgeois eux-mêmes, ce qu’ils devinrent, ce qu’ils devaient devenir moralement dans leur nouvelle situation.

Il y a un fait dont il est impossible de n’être pas frappé quand on étudie les rapports de la bourgeoisie, non seulement au douzième siècle, mais dans les siècles postérieurs, avec l’État, en général, avec le gouvernement de l’État, les intérêts généraux du