Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/233

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pays ; je veux parler de la prodigieuse timidité d’esprit des bourgeois, de leur humilité, de l’excessive modestie de leurs prétentions quant au gouvernement de leur pays, de la facilité avec laquelle ils se contentent. Rien ne révèle en eux cet esprit vraiment politique qui aspire à influer, à réformer, à gouverner ; rien n’atteste la hardiesse des pensées, la grandeur de l’ambition : on dirait de sages et honnêtes affranchis.

Il n’y a guère, Messieurs, que deux sources d’où puissent découler, dans la sphère politique, la grandeur de l’ambition et la fermeté de la pensée. Il faut avoir ou le sentiment d’une grande importance, d’un grand pouvoir exercé sur la destinée des autres, et dans un vaste horizon ; ou bien il faut porter en soi un sentiment énergique d’une complète indépendance individuelle, la certitude de sa propre liberté, la conscience d’une destinée étrangère à toute autre volonté que celle de l’homme lui-même. À l’une ou à l’autre de ces deux conditions semblent attachés la hardiesse de l’esprit, la hauteur de l’ambition, le besoin d’agir dans une grande sphère, et d’obtenir de grands résultats.

Ni l’une ni l’autre de ces conditions ne s’est rencontrée dans la situation des bourgeois du moyen-âge. Ils n’étaient, vous venez de le voir, importants que pour eux-mêmes ; ils n’exerçaient, hors de leur ville et sur l’État en général, aucune grande influence. Ils ne pouvaient avoir non plus un grand sentiment d’indépendance individuelle. En vain ils avaient vaincu, en vain ils avaient obtenu une charte. Le bourgeois d’une ville, se comparant au petit seigneur