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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/243

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les plus éloignées. Il arrive, dans une si vaste étude, un moment où l’on ne peut plus se résoudre à marcher en n’ayant devant soi que de l’inconnu, des ténèbres ; on veut savoir non seulement d’où l’on vient et où l’on est, mais où l’on va. C’est ce que nous sentons aujourd’hui. L’époque que nous abordons n’est intelligible, son importance n’est appréciable que par les rapports qui la lient aux temps modernes. Son vrai sens n’a été révélé que fort tard.

Nous sommes en possession de presque tous les éléments essentiels de la civilisation européenne. Je dis presque, car je ne vous ai pas encore entretenus de la royauté. La crise décisive du développement de la royauté n’a guère eu lieu qu’au douzième et même au treizième siècle ; c’est alors seulement que l’institution s’est vraiment constituée, et a commencé à prendre, dans la société moderne, sa place définitive. Voilà pourquoi je n’en ai pas traité plus tôt ; elle sera l’objet de ma prochaine leçon. Sauf celui-là, nous tenons, je le répète, tous les grands éléments de la civilisation européenne. Vous avez vu naître sous vos yeux l’aristocratie féodale, l’Église, les communes ; vous avez entrevu les institutions qui devaient correspondre à ces faits ; et non seulement les institutions, mais aussi les principes, les idées que les faits devaient susciter dans les esprits : ainsi, à propos de la féodalité, vous avez assisté au berceau de la famille moderne, aux foyers de la vie domestique ; vous avez compris, dans toute son énergie, le sentiment de l’indépendance individuelle, et quelle place il avait dû tenir dans notre civilisation. À l’occasion de l’Église, vous avez vu apparaître la société