Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/249

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toutes les classes de la société s’animent de la même impression, obéissent à la même idée, s’abandonnent au même élan. Rois, seigneurs, prêtres, bourgeois, peuple des campagnes, tous prennent aux croisades le même intérêt, la même part. L’unité morale des nations éclate, fait aussi nouveau que l’unité européenne.

Quand de pareils événements se rencontrent dans la jeunesse des peuples, dans ces temps où ils agissent spontanément, librement, sans préméditation, sans intention politique, sans combinaison de gouvernement, on y reconnaît ce que l’histoire appelle des événements héroïques, l’âge héroïque des nations. Les croisades sont en effet l’événement héroïque de l’Europe moderne, mouvement individuel et général à la fois, national et pourtant non dirigé,

Que tel soit vraiment leur caractère primitif, tous les documents le disent, tous les faits le prouvent. Quels sont les premiers croisés qui se mettent en mouvement ? des bandes populaires ; elles partent sous la conduite de Pierre l’ermite, sans préparatifs, sans guides, sans chefs, suivies plutôt que conduites par quelques chevaliers obscurs ; elles traversent l’Allemagne, l’Empire grec, et vont se disperser ou périr dans l’Asie mineure.

La classe supérieure, la noblesse féodale s’ébranle à son tour pour la croisade. Sous le commandement de Godefroi de Bouillon, les seigneurs et leurs hommes partent pleins d’ardeur. Lorsqu’ils ont traversé l’Asie mineure, il prend aux chefs des croisés un accès de tiédeur et de fatigue ; ils ne se soucient pas de continuer leur route ; ils voudraient s’occuper