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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/250

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d’eux-mêmes, faire des conquêtes, s’y établir. Le peuple de l’armée se soulève ; il veut aller à Jérusalem, la délivrance de Jérusalem est le but de la croisade ; ce n’est pas pour gagner des principautés à Raimond de Toulouse, ni à Boémond, ni à aucun autre que les croisés sont venus. L’impulsion populaire, nationale, européenne, l’emporte sur toutes les intentions individuelles ; les chefs n’ont point sur les masses assez d’ascendant pour les soumettre à leurs intérêts. Les souverains, qui étaient restés étrangers à la première croisade, sont enfin emportés dans le mouvement comme les peuples. Les grandes croisades du douzième siècle sont commandées par des rois.

Je passe tout-à-coup à la fin du treizième siècle. On parle encore en Europe des croisades, on les prêche même avec ardeur. Les papes excitent les souverains et les peuples ; on tient des conciles pour recommander la Terre-Sainte ; mais personne n’y va plus, personne ne s’en soucie plus. Il s’est passé dans l’esprit européen, dans la société européenne, quelque chose qui a mis fin aux croisades. Il y a bien encore quelques expéditions particulières ; on voit bien quelques seigneurs, quelques bandes partir encore pour Jérusalem ; mais le mouvement général est évidemment arrêté. Cependant il semble que ni la nécessité ni la facilité de le continuer n’ont disparu. Les Musulmans triomphent de plus en plus en Asie. Le royaume chrétien fondé à Jérusalem est tombé entre leurs mains. Il faut le reconquérir ; on a pour y réussir bien plus de moyens qu’on n’en avait au moment où les croisades ont commencé ; un grand