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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/254

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événements de la croisade avec passion. Mais ce sont des esprits prodigieusement étroits, sans aucune idée hors de la petite sphère dans laquelle ils ont vécu, étrangers à toute science, remplis de préjugés, incapables de porter un jugement quelconque sur ce qui se passe autour d’eux et sur les événements qu’ils racontent. Ouvrez au contraire l’histoire des croisades de Guillaume de Tyr ; vous serez étonnés de trouver presque un historien des temps modernes, un esprit développé, étendu, libre, une rare intelligence politique des événements, des vues d’ensemble, un jugement porté sur les causes et sur les effets. Jacques de Vitry offre l’exemple d’un autre genre de développement ; c’est un savant qui ne s’enquiert pas seulement de ce qui se rapporte aux croisades, mais s’occupe de l’état des mœurs, de géographie, d’ethnographie, d’histoire naturelle, qui observe et décrit le monde. En un mot, il y a entre les chroniqueurs des premières croisades et les historiens des dernières, un intervalle immense et qui révèle dans l’état des esprits une révolution véritable.

Cette révolution éclate surtout dans la manière dont les uns et les autres parlent des Mahométans. Pour les premiers chroniqueurs, et par conséquent pour les premiers croisés dont les premiers chroniqueurs ne sont que l’expression, les Mahométans ne sont qu’un objet de haine ; il est clair que ceux qui en parlent ne les connaissent point, ne les jugent point, ne les considèrent que sous le point de vue de l’hostilité religieuse qui existe entre eux ; on ne découvre la trace d’aucune relation sociale ; ils les détestent et les combattent, rien de plus. Guillaume