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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/261

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inspiré à beaucoup d’esprits une hardiesse jusques là inconnue.

Quand on considère l’état des esprits en général au sortir des croisades, et surtout en matière ecclésiastique, il est impossible de ne pas être frappé d’un fait singulier : les idées religieuses n’ont point changé ; elles n’ont pas été remplacées par des opinions contraires ou seulement différentes. Cependant les esprits sont infiniment plus libres ; les croyances religieuses ne sont plus l’unique sphère dans laquelle s’exerce l’esprit humain ; sans les abandonner, il commence à s’en séparer, à se porter ailleurs. Ainsi, à la fin du treizième siècle, la cause morale qui avait déterminé les croisades, qui en avait été du moins le principe le plus énergique, avait disparu ; l’état moral de l’Europe était profondément modifié.

L’état social avait subi un changement analogue. On a beaucoup cherché quelle avait été, à cet égard, l’influence des croisades ; on a montré comment elles avaient réduit un grand nombre de propriétaires de fiefs à la nécessité de les vendre aux rois, ou bien de vendre des chartes aux communes pour faire de l’argent et aller à la croisade. On a fait voir que, par leur seule absence, beaucoup de seigneurs avaient perdu une grande portion de pouvoir. Sans entrer dans les détails de cet examen, on peut, je crois, résumer en quelques faits généraux l’influence des croisades sur l’état social.

Elles ont beaucoup diminué le nombre des petits fiefs, des petits domaines, des petits propriétaires de fiefs ; elles ont concentré la propriété et le pouvoir dans un moindre nombre de mains. C’est à partir