Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/262

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des croisades qu’on voit se former et s’accroître les grands fiefs, les grandes existences féodales.

J’ai souvent regretté qu’il n’y eût pas une carte de la France divisée en fiefs, comme nous avons une carte de la France divisée en départements, arrondissements, cantons et communes, où tous les fiefs fussent marqués, ainsi que leur circonscription, leurs rapports et leurs changements successifs. Si nous comparions, à l’aide de cartes pareilles, l’état de la France avant et après les croisades, nous verrions combien de fiefs avaient disparu, et à quel point s’étaient accrus les grands fiefs et les fiefs moyens. C’est un des plus importants résultats que les croisades aient amenés.

Là même où les petits propriétaires ont conservé leurs fiefs, ils n’y ont plus vécu aussi isolés qu’auparavant. Les possesseurs de grands fiefs sont devenus autant de centres autour desquels les petits se sont groupés, auprès desquels ils sont venus vivre. Il avait bien fallu pendant la croisade se mettre à la suite du plus riche, du plus puissant, recevoir de lui des secours ; on avait vécu avec lui, on avait partagé sa fortune, couru les mêmes aventures. Les croisés revenus chez eux, cette sociabilité, cette habitude de vivre auprès de son supérieur, sont restées dans les mœurs. De même qu’on voit les grands fiefs augmenter après les croisades, de même on voit les propriétaires de ces fiefs tenir une cour beaucoup plus considérable dans l’intérieur de leurs châteaux, avoir auprès d’eux un plus grand nombre de gentilshommes qui conservent leurs petits domaines, mais ne s’y enferment plus.

L’extension des grands fiefs et la création d’un