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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/269

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guerre, où l’esprit militaire domine : elle s’est établie tantôt au sein du régime des castes, dans les sociétés les plus rigoureusement classées, tantôt au milieu d’un régime d’égalité, dans les sociétés les plus étrangères à toute classification légale et permanente. Souvent despotique et oppressive, ailleurs favorable aux progrès de la civilisation et de la liberté, il semble que ce soit une tête qui se puisse placer sur une multitude de corps différents, un fruit qui puisse naître des germes les plus divers.

Dans ce fait, Messieurs, nous pourrions découvrir beaucoup de conséquences importantes et curieuses. Je n’en veux prendre que deux : la première, c’est qu’il est impossible qu’un tel résultat soit le fruit du pur hasard, de la force ou de l’usurpation seule ; il est impossible qu’il n’y ait pas entre la nature de la royauté considérée comme institution et la nature, soit de l’homme individuel, soit de la société humaine, une profonde et puissante analogie. Sans doute la force est mêlée à l’origine de l’institution ; sans doute elle a eu beaucoup de part à ses progrès ; mais toutes les fois que vous rencontrerez un résultat comme celui-ci, toutes les fois que vous voyez un grand événement se développer ou se reproduire pendant une longue série de siècles, et au milieu de tant de situations différentes, ne l’attribuez jamais à la force. La force joue un grand rôle, un rôle de tous les jours dans les affaires humaines ; elle n’en est point le principe, le mobile supérieur : au-dessus de la force et du rôle qu’elle joue plane toujours une cause morale qui décide de l’ensemble des choses. Il en est de la force dans l’histoire des sociétés