Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/276

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dans la royauté. L’application attentive de l’esprit humain à contempler la nature et les qualités du souverain de droit, quand d’autres causes n’en sont pas venues détruire l’effet, a toujours donné force et crédit à la royauté qui en offrait l’image.

Il y a en outre des temps particulièrement favorables à cette personnification ; ce sont les temps où les forces individuelles se déploient dans le monde avec tous leurs hasards et leurs caprices, les temps où l’égoïsme domine dans les individus, soit par ignorance et brutalité, soit par corruption. Alors la société, livrée au combat des volontés personnelles, et ne pouvant s’élever par leur libre concours à une volonté commune, générale, qui les rallie et les soumette, aspire avec passion vers un souverain auquel tous les individus soient obligés de se soumettre ; et dès qu’il se présente quelque institution qui porte quelques-uns des caractères du souverain de droit et promet à la société son empire, la société s’y rallie avec un avide empressement, comme des proscrits se réfugient dans l’asile d’une église. C’est là ce qui s’est vu dans les temps de jeunesse désordonnée des peuples, comme ceux que nous venons de parcourir. La royauté convient merveilleusement à ces époques d’anarchie forte et féconde, pour ainsi dire, où la société aspire à se former, à se régler, et n’y sait pas parvenir par l’accord libre des volontés individuelles. Il y a d’autres temps où, par une cause toute contraire, elle a le même mérite. Pourquoi le monde romain, si près de se dissoudre à la fin de la république, a-t-il subsisté encore près de quinze siècles, sous le nom de cet empire qui n’a été après tout