Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/279

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Une autre idée, un autre élément a déjà pénétré aussi dans la royauté barbare, c’est l’élément religieux. On trouve chez quelques-uns des peuples barbares, par exemple, chez les Goths, la conviction que les familles de leurs rois descendent des familles de leurs dieux, ou des héros dont on a fait des dieux, d’Odin, par exemple. C’est la situation des rois d’Homère, issus des dieux ou des demi-dieux, et, à ce titre, objets d’une sorte de vénération religieuse, malgré les limites de leur pouvoir.

Telle était, au cinquième siècle, la royauté barbare, déjà diverse et flottante quoique son principe primitif dominât encore.

Je prends la royauté romaine, impériale ; celle-ci est tout autre chose ; c’est la personnification de l’État, l’héritière de la souveraineté et de la majesté du peuple romain. Considérez la royauté d’Auguste, de Tibère ; l’empereur est le représentant du sénat, des comices, de la république tout entière ; il lui succède, elle est venue se résumer dans sa personne. Qui ne le reconnaîtrait à la modestie du langage des premiers empereurs, de ceux du moins qui étaient hommes de sens, et comprenaient leur situation ? Ils se sentent en présence du peuple souverain naguère et qui a abdiqué en leur faveur ; ils lui parlent comme ses représentants, comme ses ministres. Mais en fait, ils exercent tout le pouvoir du peuple, avec la plus redoutable intensité. Une telle transformation, Messieurs, nous est aisée à comprendre ; nous y avons assisté nous-mêmes ; nous avons vu la souveraineté passer du peuple dans un homme ; c’est l’histoire de Napoléon. Celui-là aussi a été une personnification