Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/287

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présents à beaucoup d’esprits : on les retrouvait dans quelques occasions. Il arriva que, pour réprimer une violence scandaleuse, pour rétablir un peu d’ordre dans un lieu voisin du séjour du roi, pour terminer un différend qui durait depuis longtemps, on eut recours à lui ; il fut appelé à intervenir dans des affaires qui n’étaient pas directement les siennes ; il intervint comme protecteur de l’ordre public, comme arbitre, comme redresseur des torts. L’autorité morale qui restait à son nom lui attira peu à peu ce pouvoir.

Tel est le caractère que la royauté commence à prendre sous Louis-le-Gros et sous l’administration de Suger. Pour la première fois, on aperçoit très-incomplète, très-confuse, très-faible, mais enfin on aperçoit dans les esprits l’idée d’un pouvoir public, étranger aux pouvoirs locaux qui possèdent la société, appelé à rendre justice à ceux qui ne peuvent l’obtenir par les moyens ordinaires, capable de mettre l’ordre, de le commander du moins ; l’idée d’une grande magistrature, dont le caractère essentiel est de maintenir ou de rétablir la paix, de protéger les faibles, de prononcer dans les différends que nul n’a pu vider. C’est là le caractère tout-à-fait nouveau sous lequel, à partir du douzième siècle, se présente la royauté en Europe et spécialement en France. Ce n’est ni comme royauté barbare, ni comme royauté religieuse, ni comme royauté impériale qu’elle exerce son empire ; elle ne possède qu’un pouvoir borné, incomplet, accidentel, le pouvoir en quelque sorte, je ne connais pas d’expression plus exacte, de grand juge de paix du pays.